Écrire la vie de quelqu’un, même lorsqu’il s’agit d’une autobiographie rédigée pour lui, est un exercice délicat. Chaque mot, chaque anecdote, chaque souvenir choisis traduit un équilibre subtil entre la réalité et le ressenti de l’auteur. Malgré l’attention et le soin apportés, le biographé est parfois insatisfait. Recevoir ce type de critique peut être éprouvant pour le biographe. Il se sent incompris, confronté aux limites de sa propre perception. Pourtant, raconter sa vie à travers un autre regard implique naturellement un écart entre l’intention de l’auteur et l’interprétation du biographe.
Écart entre récit et perception
J’ai appris à considérer cette insatisfaction non comme un échec, mais comme une occasion de réflexion. Une autobiographie fait pénétrer le biographe dans l’univers du sujet, avec ses attentes, ses émotions et ses sensations. Le biographé peut avoir une idée précise de ce qu’il souhaite transmettre… et être déçu si ce qu’il lit ne correspond pas exactement à ses attentes. C’est précisément cette rencontre entre le récit et la perception du sujet qui rend le travail de biographe à la fois complexe et profondément enrichissant.
Accueillir la critique
Accueillir l’insatisfaction du client implique de prendre du recul. Il ne s’agit pas de céder à toutes les exigences ni de se remettre en question systématiquement. Mais identifier comment rendre le récit plus fidèle à la réalité vécue. Certaines critiques sont subjectives ou infondées et doivent être mises de côté. D’autres, même maladroites, révèlent des zones d’ombre ou des détails à préciser, offrant ainsi l’occasion d’affiner le texte et de l’enrichir.
Finalement, cette insatisfaction est aussi le signe que le texte provoque une réaction et interpelle le sujet. Et parfois, susciter la réflexion vaut mieux que l’indifférence. Être biographe, c’est accepter la complexité d’écrire une vie à travers son regard externe, tout en restant fidèle à la sincérité et à la profondeur de l’expérience du biographé.